top of page

Synthèse de l'atelier sur les nouveaux designs organisationnels

Dernière mise à jour : 24 nov. 2023

Deux mutations de grande ampleur bouleversent l’environnement des entreprises modifient les formes de concurrence, ouvrent des perspectives nouvelles en termes de productivité et d’évolution du rapport au travail.

Ces mutations sont multidimensionnelles, se combinent pour remodeler à des degrés divers les chaines de valeur des entreprises, les modèles d’organisation et d’engagement de la main d’œuvre.

Chaque jour nous amène son lot d’innovations, d’émergence de nouvelles applications de telle ou telle technologie, transformant nos modèles opérationnels et nos manières de travailler à un rythme jamais connu.


Si les sociétés issues de la Tech profitent pleinement de cette « réinvention » en « marche accélérée » (pour en être à l’origine en partie), les entreprises installées sur leurs marchés depuis quelques décennies peinent à suivre le rythme. Elles ouvrent des chantiers, parfois d’ampleur dont la portée reste limitée en termes de transformation mais surtout en deçà de la nécessaire mise en congruence avec la rapidité des évolutions en cours.

Pourtant ces lignes de ruptures ouvrent des opportunités fantastiques de faire évoluer les designs organisationnels.

En matière d’organisation nous restons imprégnés des modèles de référence impulsés par l’école de « l’Organizational Design » et en particulier le « Star Model » de Galbraith. En un mot, ce modèle dit très simplement que la stratégie est l’élément de référence qui va orienter les choix sur les quatre composantes du design (la structure, les processus, les politiques ressources humaines et les systèmes de reconnaissance) et que l’ensemble stratégie/ structure/ processus/ RH se doivent être alignés.

Pour régénérer nos représentations et dessiner les organisations de demain, nous devons réfléchir autrement et dépasser le modèle classique de référence de l’Organizationnal design.

Un angle possible est de s’interroger sur les dynamiques organisationnelles et humaines qui vont générer un changement systémique dans les structures et les modes de fonctionnement.

Dans cette perspective, 4 points de bascule, vont se révéler particulièrement déterminants

  1. Le premier point de bascule est de considérer la data et la technologie comme un paramètre clé du design organisationnel

  2. Le deuxième point de bascule est de positionner l’écosystème de l’engagement client au centre ce qui conduit à redessiner les rôles, les points d'interactions, les frontières internes et externes de l’entreprise

  3. Le troisième point de bascule revient à développer à grande échelle le mode cellulaire et les configurations organisationnelles d’équipes autonomes, auto gérées, en lien direct avec le marché et les clients

  4. Le quatrième point de bascule, en émergence mais très flou dans ses impacts, est d’intégrer la puissance du « Purpose » ou raison d’être de l’entreprise pour transformer le pilotage, les modèles organisationnels et la gouvernance de l’entreprise

La data et la technologie paramètre clé du design organisationnel :

Historiquement l’architecture des entreprises a évolué d’une structure verticale, organisée par fonction à une structure divisionnelle avec des entités organisée en centre de profit . Avec l’internationalisation, les entreprises ont intégré une dimension supplémentaire dans leur organisation : la dimension géographique. Certaines entreprises, en particulier dans le secteur B to B, se sont structurées autour des clients ou des projets.

Avec l’avènement des plateformes, l’arrivée d’une vague technologique d’importance une cinquième dimension émerge pour organiser les activités : la data et les technologies

Dans cette montée en puissance de la data quelques choix de design organisationnel apparaissent :

  • On assiste à un mouvement de centralisation des bases de données jusque-là dispersées dans les entités pour nourrir les cas d’usage et les modèles prédictifs

  • Un nouveau rôle émerge celui de Chief Data Officer distinct du digital et de la DSI et dont la mission est de structurer la base de données de l’entreprise, de s’assurer de la protection et de la sécurisation des données individuelles mais aussi de réaliser une veille marché et l’expérimentation des technologies de rupture congruente avec l’exploitation des données et les développements de l’IA : blockchain, biométrie, réalité virtuelle, internet des objets, …

  • La coopération avec les métiers, les autres fonctions, la diversité des profils et des compétences au sein des équipes pour expérimenter les technologies de rupture et développer les cas d’usage deviennent des principes forts d’organisation.

Autrement dit , la prise en compte de la data et de la technologie est un puissant levier pour faire bouger des structures et changer les formes de coopération.

Positionner l’écosystème de l’engagement client au centre de l’entreprise

Les principes d’un design organisationnel cible plaçant l’engagement client au centre sont abondamment décrits dans la littérature managériale, les offres des cabinets conseils et les discours des dirigeants et directeurs marketing. Ils se déclinent communément selon les axes ci -après :

  • Un traitement homogène du client quel que soit le canal physique, digital, centre d’appel,…

  • Un parcours client sans couture

  • Un développement en continu de nouveaux produits, services avec des partenaires

  • Une interaction constante de la marque avec les points de contact de l’expérience client, les communautés, la société dans son ensemble

  • Une utilisation permanente et cumulative de la donnée pour une meilleure compréhension du consommateur, pour enrichir l’offre, améliorer le parcours et s’assurer du bon niveau de service

On parle d’écosystème car ce sont des multiplicités de ressources et d’équipes tant en interne qu’en externe qui sont mobilisées et interconnectées pour une cause commune : engager le client

La transformation organisationnelle pour mettre l’engagement client au centre est d’importance. Elle suppose :

  • De dépasser les configurations fonctionnelles actuelles : marketing, vente, relation client, réseau physique, canal digital, front et back office

  • De gommer les frontières internes / externes de l’entreprise et de coconstruire avec les partenaires de nouveaux produits ou de nouveaux services

  • De formaliser la transversalité avec le pôle data

  • D’imaginer de nouveaux rôles / responsabilités sur l’engagement client pour faciliter les interactions et les coopérations

  • Libérer l’enthousiasme des collaborateurs vis-à-vis du client par un management approprié

  • Porter la voix du conseiller clientèle, du vendeur au plus haut niveau de l’entreprise

Les chantiers à conduire sont multiples : évolution des organisations, évolution du management, changement des représentations et des cartes mentales. Ils doivent être mener à un niveau stratégique (anticiper, concevoir l’écosystème de l’engagement client) et très opérationnel (s’assurer que les « trains roulent et arrivent à l’heure»). La bascule vers le nouveau design prendra du temps et c’est une feuille de route progressive (difficile en effet dans les entreprises installées de réaliser un big bang), jalonnées d’expérimentations qui deviendra la référence

Développer à grande échelle le mode cellulaire et les configurations organisationnelles d’équipes

Deux mouvements d’importance ont bouleversé les modèles organisationnels ces dernières années :

  1. La configuration en mode agile dans le monde de la tech et des SI,

  2. Les îlots d’organisation responsabilisés, expérimentés au niveau des ateliers et notamment chez Michelin,

Curieusement ces deux modèles, expérimentés dans des univers et des secteurs très différents présentent un socle commun de principes forts : la pleine autonomie accordée aux équipes, la transformation des modes de travail conduits par ceux qui font, la préoccupation humaine ( les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils !) la satisfaction du client au centre

Le mode agile et les îlots d’organisations responsabilisés ont dépassé le stade de l’expérimentation : on considère que 40% des équipes SI des grandes banques fonctionnent en mode agile, 80 % des usines de Michelin ont adopté le mode d’organisation en ilots responsabilisants. Les bénéfices de ce mode cellulaire d’organisation sont tangibles à la fois en terme économique (plus productivité, de flexibilité) que social (augmentation du niveau d’engagement des collaborateurs)

Certains mettent en avant que ce modèle cellulaire ne peut se généraliser. Il est difficile à mettre en place pour les fonctions supports et le pilotage des projets complexes. Les résistances du management de proximité et les réticences des collaborateurs eux même à cette forme d’organisation sont également des obstacles à une extension à grande échelle

On peut entendre les arguments. Il n’en demeure pas moins que le mode agile, l’organisation cellulaire sont des ferments incomparables pour faire bouger les organisations et il est du devoir de tout dirigeant, DRH, Directeur de la Transformation, d’expérimenter ces modèles.

Intégrer la puissance du "purpose" ou de la raison d’être de l’entreprise pour transformer le pilotage, les modèles organisationnels et la gouvernance

On a beaucoup fait référence ces derniers mois à deux évolutions majeures :

1. La déclaration en août dernier du « business roundtable » regroupant 180 des PDG des plus grandes entreprises américaines en faveur d’un capitalisme des parties prenantes et s’engageant à « fournir de la valeur à leurs clients », à « investir dans les employés », à « traiter équitablement et éthiquement les fournisseurs », à « soutenir les communautés dans lesquelles ils travaillent », à « protéger l’environnement » et à « générer de la valeur à long terme pour les actionnaires (https://www.businessroundtable.org/)

2. Le statut d’ « entreprise à mission » désormais inscrite dans la loi et qui comptent parmi ses premiers adeptes des entreprises emblématiques comme MAIF ou Open Classroom ou encore le groupe coopératif InVivo qui se prépare à transformer en société à mission l’ensemble de ses filiales.

Au-delà de ces deux initiatives qui occupent le devant de la scène, les questions fondamentales que doit se poser toute entreprise ont trait à son positionnement global dans la société, son engagement dans ses produits/services, son mode de pilotage et surtout son modèle de partage de la valeur créée. Plus précisément :

  • Comment l’entreprise se positionne globalement dans sa contribution au progrès humain et à son impact sur la société (expression forte d’une raison d’être ou respect des parties prenantes ?)

  • Les métiers, les marques, les entités s’engagent-ils sur des offres de produits, des services qui ont un impact positif et contributif à la planète et pour une société plus harmonieuse ?

  • Le pilotage est-il aligné avec ce modèle de création duale : succès financier et progrès social et environnemental ?

  • Le partage de la valeur crée est-il une ambition forte déclinable sur l’ensemble des parties prenantes : collaborateurs (actionnariat salarié, partage des bénéfices), clients, partenaires ?

Les bénéfices d’un engagement affirmé sur la raison d’être sont maintes fois répétées : mettre l’entreprise en cohérence avec les enjeux de la société, ouvrir la stratégie et les capacités d’innovation, libérer les énergies et le travail, développer l’engagement des collaborateurs, l’attractivité des talents, aller vers la performance durable

Les impacts de ce positionnement sur les processus, l’organisation et la gouvernance restent à explorer. On retient surtout comme premiers impacts, des enjeux de gouvernance comme l’évaluation de l’exécution de la mission par un organisme tiers indépendant ou la création de comités ad hoc (d’orientation, comité de mission ou des parties prenantes) ou plus pratiquement la formulation de guide d’actions pour orienter les relations avec les parties prenantes.

Plus qu’un point de bascule, l’expression de la raison d’être apparait en fait comme un catalyseur qui ouvre des perspectives particulièrement novatrices pour les entreprises qui se sont engagées avec détermination dans une telle démarche

En guise de conclusion,

on peut s’interroger sur comment ces points de bascule viennent questionner les rôles et le positionnement de la fonction RH.

Dans un univers hyper concurrentiel, la force de la différentiation et de la création de valeur reposent sur la mise en œuvre des leviers organisationnels, sociétaux et environnementaux. « HR is business » , sous cette appellation provoquante nous affirmons que ce sont les personnes, les équipes, les communautés, les designs organisationnels innovants qui créent de la valeur.

Dans cette perspective, la fonction RH ne peut plus se cantonner à la figure éculée du « Business Partner » ou aspirer à devenir le seul champion de l’expérience collaborateur. Elle doit comme toutes les fonctions impulser la création de valeur par une contribution forte aux axes stratégiques et une excellence opérationnelle

Au titre de la contribution aux axes stratégiques : Promouvoir la raison d’être, bâtir le contrat social de l’entreprise étendue, Agir pour la diversité des talents, Promouvoir les designs organisationnels prometteurs.

Mais Gardons toujours en tête que la contribution à la stratégie sans l’exécution n’est qu’une hallucination, aussi importe-t-il que la fonction RH puisse réellement s’ancrer au cœur des équipes et être en mesure de délivrer les services et les expertises les plus efficients.

Daniel Baroin et David Gateau


Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
bottom of page